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- 02-12-2024
- Anouck Butraud-Assathian
- Jaércio da Silva
Évènement
Éthique du numérique
Pluralisme culturel
Évènement
Éthique du numérique
Pluralisme culturel
Vers des nouveaux modes de diffusion et de production des contenus immersifs
Compte rendu du colloque de lancement du projet STYX-ICCARE, qui s'inscrit dans le programme de la Chaire PcEn et bénéficie d'une ANR dans le cadre de France 2030.
Le projet ciblé STYX-ICCARE, qui s’inscrit dans le cadre du programme de recherche scientifique de la Chaire PcEn, bénéficie d’une aide de l’Etat, gérée par l’ANR au titre de France 2030.1 STYX explore l’impact des technologies immersives et génératives sur les industries culturelles. Un événement de lancement s’est tenu le 6 novembre 2024 à Paris ; nous en présentons ici les principales thématiques.
Le Métavers, un sujet toujours d’actualité
Si, dans l’espace médiatique, le métavers est perçu comme une tendance déjà dépassée, les professionnels des industries culturelles lui accordent une tout autre importance, le voyant comme un espace d’expérimentations en pleine effervescence ; le métavers devient un nouveau moyen d’expression, exploré aussi bien par les artistes que par les institutions (comme les musées).
Prenons l’exemple de Montréal, où les professionnels sont reconnus pour leur engagement dans tous les aspects de ce domaine, du développement technologique à la commercialisation, en passant par la recherche. Dotée de compétences largement saluées dans des secteurs tels que les effets spéciaux cinématographiques, le jeu vidéo, la réalité virtuelle et l’intelligence artificielle, cette ville offre un écosystème unique pour la création « d’œuvres immersives et interactives ».
Cette convergence de compétences numériques, audiovisuelles et créatives aboutit à l’émergence d’un véritable médium. Celui-ci nécessite non seulement l’appropriation de codes spécifiques, mais aussi l’élaboration d’un langage inédit, adapté à ses potentialités. Dans ce contexte, de nouveaux profils émergent, comme les « createch » : des professionnels combinant une sensibilité artistique et des compétences techniques. Ces derniers jouent un rôle clé en travaillant aux côtés des informaticiens et des artistes pour élargir les frontières du métavers et en saisir tout le potentiel.
Cartographier le métavers « en train de se faire »
STYX s’efforce d’intégrer toutes les définitions du métavers afin d’en appréhender les enjeux et de nourrir un débat ouvert. Une première cartographie2 développée par Jaercio da Silva illustre comment le métavers est perçu et discuté, croisant sociologie et économie. Cette analyse repose sur une base de données riche de 23 000 occurrences numériques (presse, radio, tweets, podcasts, etc.), englobant des expressions spontanées et des discours plus structurés. Le métavers apparaît non pas comme une mode éphémère liée aux géants du numérique, mais comme un espace de création et de réflexion en constante évolution.
Gabriel Tailleur présente une étude sur le lien entre l’IA et le métavers en observant que les entreprises du métavers dans le jeu vidéo recourent plus intensivement à l’IA que les entreprises traditionnelles de ce domaine. Les usages sont multiples : des personnages non-joueurs (NPC) dotés d’intelligences avancées, capables de battre à tous les coups les humains dans les jeux, aux interactions plus crédibles grâce à une meilleure adaptation à l'environnement dans le comportement des joueurs. Avec le développement du deep learning, les champs d’application se sont élargis, mais cela implique aussi des concessions pour les créateurs : il devient difficile de tout maîtriser, la création peut échapper au script initial. Les créations des utilisateurs (UGC) ajoutent une dimension participative, mais posent le défi du coût en temps et en complexité, nécessitant parfois des compétences en codage. L’intelligence artificielle générative se positionne comme une solution pour réduire ces barrières, rendant la création de contenu plus accessible. Le secteur est marqué par un effet de réseau vertueux où plus un monde virtuel fonctionne, plus il attire de nouveau participants qui contribuent à son expansion.
De nouvelles opportunités pour les producteurs de contenus immersifs
La table ronde organisée le 6 novembre 2024 a réuni des experts des technologies immersives : Marie Blondiaux (Coven, Red Corner et CNXR), Anaïs Foin-Hakes (projet européen ITHACA, French Touch Factory), Alexandre Ibanez (Inversive XR et CNXR) et Antoine Lieutaud (Eclipso). Les échanges ont porté sur les possibilités de diffusion des contenus immersifs en salles ou dans d’autres lieux culturels, les enjeux économiques, les modèles de financement, ainsi que l’avenir de ces productions, notamment leur appartenance éventuelle à l’univers du métavers.
Les intervenants ont souligné les similitudes entre le modèle de billetterie des expositions et celui des projections en salle, en mettant en avant le potentiel pour structurer le marché de l’immersion. Ils ont également discuté de nouveaux modes de financement permettant de s’affranchir des plateformes et de leurs marketplaces, ainsi que de la diversification des offres grâce à la diffusion dans des lieux comme les musées.
La visite de l’exposition L’Horizon de Khéops (Eclipso, Paris Bercy) a servi d’exemple concret pour illustrer ces discussions. Elle a permis de mettre en avant l’importance d’allier une expérience culturelle immersive à un modèle économique, tout en veillant à rendre ces expériences accessibles et enrichissantes pour le public. Contrairement à une expérience solitaire avec un casque à domicile, l’immersion collective dans un espace partagé a été décrite comme une occasion unique d’échanger des émotions et des réflexions. De plus, il a été observé que l’usage collectif des casques, en déambulant, semble réduire la résistance à la technologie et atténue des effets indésirables tels que la nausée, les maux de tête ou les vertiges.