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  • 22-02-2021
    • Conversation

      Éthique du numérique

Conversation

Éthique du numérique

Conversation avec Alexandra Bensamoun

Alexandra Bensamoun, professeure de droit à l'Université Paris-Saclay, répond à nos questions sur l’exception de TDM (text and data mining) dans la directive européenne "Digital Single Market".

Les équipes de la Chaire sollicitent régulièrement des universitaires et professionnels afin de recueillir leur point de vue sur l'actualité des secteurs de la culture et du numérique.

Cette semaine, nous interrogeons Alexandra Bensamoun, Professeure de droit à l'université Paris-Saclay et personnalité qualifiée au Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique du ministère de la Culture (CSPLA).

Le 17 avril 2019, a été adoptée dans la directive européenne 2019/790 sur le droit d’auteur et les droits voisins dans le marché unique numérique une exception, dite TDM (text and data mining).

Pouvez-vous nous rappeler le contexte et les raisons qui ont conduit à mettre en place une nouvelle exception au droit d'auteur ?

De la société de l’information au marché unique numérique, l’Union européenne a entrepris d’appliquer à la propriété intellectuelle sa nouvelle stratégie, notamment fondée sur la donnée et sur les potentialités associées en termes d’intelligence artificielle. Il s'agit ici de s’intéresser à l’amont (l’aval avait été traité dans le rapport au CSPLA sur IA et Culture), précisément de permettre le développement des technologies d'IA en réglant le sort, du point de vue de la propriété littéraire et artistique, des données entrantes lors d'une opération d'exploration et de traitement des contenus. On sait en effet que les outils d'IA utilisant les techniques d'apprentissage-machine sont nourris par des masses de données, parmi lesquels figurent des contenus protégés par le droit d’auteur et aussi les droits voisins du droit d’auteur, donc des œuvres de l’esprit, des interprétations, des vidéogrammes ou des phonogrammes, des bases de données, des articles de presse. Tous ces contenus sont collectés et reproduits en amont pour être traités. C’est cette opération qui pouvait susciter des doutes et donc une insécurité juridique.

En quoi des choix différents ont-ils été faits dans le cas de la fouille de données pour des usages de recherche et pour des usages commerciaux ?

La directive impose aux États membres de transposer deux exceptions obligatoires, c’est-à-dire qu’elle suspend l’application du droit concerné dans les hypothèses décrites.

La première exception, à l’article 3, est à des fins de recherche exclusivement, au bénéfice de certaines institutions ; les titulaires de droits ne peuvent pas s’y opposer et son bénéfice doit être garanti.

La seconde, à l’article 4, est très ouverte, car sans finalité prédéfinie ; son objectif peut donc tout à fait être commercial. Mais cette limitation peut faire l’objet d’une opposition des titulaires de droit (mécanisme d’opt-out ou option de retrait). Lorsque le contenu est disponible en ligne, le procédé devra être lisible par la machine.

Ces deux exceptions requièrent que l’utilisateur ait un accès licite au contenu protégé. L’exception ne peut jamais prospérer sur des actes amont de contrefaçon.

Ce texte devrait être bientôt transposé en France. Quelles particularités peut-on attendre de la transposition dans le cas français ?

L’article 34 de la loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne en matière économique et financière (dite "loi DDADUE") , du 3 décembre 2020, habilite le Gouvernement à légiférer par ordonnance pour transposer les articles concernés dans un délai d’un an à compter de la promulgation de cette loi. Le rapport au CSPLA sur le text and data mining vise justement à éclairer le Gouvernement sur les choix à réaliser, par exemple s’agissant des institutions bénéficiaires de l’article 3, sur la manière de traiter les partenariats public-privé ou encore de garantir l’exception, sur la notion d’accès licite, sur l’articulation entre les deux exceptions, etc. Le sujet est particulièrement technique et les enjeux sont importants, notamment en matière de presse. Il était donc essentiel que le ministère de la Culture se saisisse du sujet pour le maîtriser.

L'équipe de la Chaire PcEn remercie chaleureusement Alexandra Bensamoun pour ses réponses à nos questions.

Pour aller plus loin :

Cas pratique : L'algorithme générateur d'images de la Chaire PcEn.